Testo: Henri Tachan. AZ 1. Les Yeux.
Les yeux de loup fievreux d'amour derriere le masque,
Z'yeux de hibou figes au c?ur de la bourrasque,
Z'yeux noisettes en amandes d'une femme-ecureuil,
Tes grands yeux noirs, Lisette, quand tu portais mon deuil,
Les yeux dans le bouillon pleurent des larmes domestiques,
Les yeux de platre au front d'une statue antique,
Les yeux du ruminant qu'on abat et qui beugle,
Les yeux au bout des doigts des pianistes aveugles...
Les yeux, monsieur, ca roule, roule comme des billes
Le long des caniveaux de l'enfance en guenilles,
Les yeux, monsieur, quand ils vous tendent leur corolle
Il ne leur manque vraiment meme pas la parole!
Les yeux brouilles de vin, de chagrin, de caresses,
Les yeux du chien pendu tout au bout de sa laisse,
Z'yeux poches du boxeur qui vacille et qui tombe,
Les yeux fixes des morts cloues dessous les tombes,
Les petits yeux-piecettes au fond des bas de laine,
Les yeux-minicassettes qui jazzeraient Verlaine,
Les yeux noirs d'un Russe blanc emigre en dix-sept
Et mes ?ils-de-perdrix caches sous mes chaussettes...
Les yeux, monsieur, ca tue, ca viole, ca deshabille
Ca perce les cuirasses et les robes des filles,
Les yeux, monsieur, quand ils vous tendent leur corolle
Il ne leur manque, vraiment, meme pas la parole!
Les yeux Jesus-Judas au hasard de vos bibles,
Les yeux-Casanova ou Ivan le Terrible,
Les yeux a-la-Margot-qui-creve ou qui s'allume
Les yeux si beaux-Garbo, au cinoche de ma plume,
Les yeux sont les acteurs, et quand ils se reposent
A la fin de la piece quand arrive la pause,
Les yeux sont les acteurs et quand vient la "derniere",
Il baissent le rideau, ils ferment les paupieres...
Les yeux, monsieur, quand ils s'enrayent, quand ils s'arretent
Ils restent la, fixes sur une autre planete,
Les yeux, monsieur, quand ils referment leur corolle
Alors la, oui, vraiment, il leur manque la parole!
Henri Tachan