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Testo: Jacques Bertin. Other. À Besançon.


Est-ce qu'on fait des vers avec l'actualite immediate
Poete, est-ce ton role de temoigner pour le feu qui nait
Est-ce qu'on peut ecrire des chansons sur ces femmes
Qui se sont mises en dimanche pendant huit mois parce qu'il fallait
Montrer qu'on etait des gens respectables
Et que la greve ce n'est pas le laisser-aller mais la rigueur

Tu fais donc des vers avec la dignite des autres
Poete, depuis ta chambre parmi tes bouquins
Est-ce qu'il est digne de saluer la classe ouvriere
De loin quand peut-etre tes vers elle n'y comprendra rien

Il va bien falloir s'y resoudre
L'etincelle ce n'est pas moi
Je vais de ville en ville
Je porte le feu je suis le sang
O jeunes femmes qui descendiez sur Besancon
Cette annee-la vers le quinze aout en portant comme un sacrifice
Vos clameurs car c'etait le premiere fois et vous aviez un peu peur
Je reste au bord de vous, timide, n'osant rien faire
Est-ce qu'on peut faire des vers avec la gravite de vos gestes et votre honneur

Vous vous etes mis debout. Soudain vous etiez devenus l'espoir du monde
L'espoir du monde, vous, petite dame coquette et sans histoires sans passion
Le premier jour l'un de vous a dit : la greve sera longue
C'est avec les pieds dans la neige que nous finirons
C'est donc facile de faire des vers sur le courage et sur la peur

On fait des vers avec l'espoir avec la vie
Avec les ongles qui s'accrochent au reel
Avec des mots qui m'ont ete souffles cet hiver
A Besancon parce que le vent souffle dans le dos du poete
Et le crible de mots qui ne lui appartiennent pas.
Jacques Bertin